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02.01.2019
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Sept défis qui attendent la mode en 2019

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02.01.2019

Dire que 2018 fut une année complexe pour le commerce d’habillement relève de l’euphémisme. Alors que les indicateurs invitent à la prudence pour le nouvel exercice, des défis qui s’annoncent sont d’ores et déjà clairement identifiés.


Les ventes d'habillement devraient se réduire de 0,9 % en 2019 selon l'IFM - Shutterstock


Endiguer l'érosion des ventes

Si la météo peut ponctuellement expliquer une mauvaise saison, la chute quasi constante des ventes sur la décennie écoulée ne laisse plus aucun doute, s’il en restait encore, sur le changement de paradigme que connaît le secteur. Alors que 2018 s’est terminée sur un recul avoisinant les 3 %, l’Institut français de la mode évalue à -0,9 % l’évolution des ventes d’habillement en 2019.

Une prédiction prudente sachant que, hormis la timide hausse enregistrée par les pure-players (+0,5 % sur janvier-octobre 2018), seuls les magasins populaires et les grands magasins ont connu une réelle progression (+10,5 %). Or, les seconds pourraient subir l’effet "gilets jaunes" qui, dès leur troisième week-end de mobilisation, ont entraîné une chute de 15 à 20 % des réservations hôtelières. Reste que 2018 fut l’année d’une embellie touristique pour l’Hexagone, à la faveur de taux de change favorables et du désamour des Chinois pour les Etats-Unis. Une aubaine dont le pays peut encore tirer parti en 2019.

Stopper l'hémorragie de promotions

La mode souffre d’une dépendance aux prix barrés. En 2018, 47,4 % des ventes du secteur ont été réalisées sur des articles en promotion ou en soldes, selon le cabinet d'études Kantar. La montée en puissance du Black Friday et l’apparition de deux French Days n’ont qu’un peu plus saturé le calendrier du consommateur, de même que brouillé sa perception des prix réels. Ce qui n’est pas sans alimenter la défiance des clients : ils sont désormais 80 % à estimer que « les prix ne veulent plus rien dire ».

Le retour attendu à une période de quatre semaines de soldes pour l'été 2019, sur fond de débat insoluble sur le choix des dates, n’aura pas d'impact réel sur cette prolifération des prix cassés. Mais se dessinent néanmoins les contours d’une résistance : nombre d’enseignes ont symboliquement rejeté le Black Friday de novembre dernier. Et chez les spéculateurs, Inditex et H&M, qui avaient largement entrainé les commerces dans cette course aux promotions, se voient désormais ouvertement reprocher leurs dépendances aux promotions. Autant d’indices pouvant laisser espérer l’émergence d’une future décroissance promotionnelle ?

S'émanciper de la saisonnalité

Réchauffement climatique oblige, les températures influent plus que jamais sur l’écoulement des collections. Pour s'adapter aux variations du thermomètre, les griffes ont commencé à modifier la saisonnalité de leurs collections. Exit le système biannuel. Selon les marques, ce sont désormais quatre à douze collections qui sont proposées par an. « Nous avons arrêté de parler de saison parce que tout tourne dorénavant autour du ‘See now buy now’, résume Magnus Hjörne, en charge du wholesale de la plateforme Na-kd. S’il pleut, nos clients veulent des bottes de pluie et des imperméables ; à nous d’être capables de réagir le plus rapidement possible ».

Autre chantier d'adaptation entrepris par les marques : la sélection des matières. Des tissus naturels pour conserver la chaleur (laine) ou la fraîcheur (lin) jusqu'aux étoffes plus techniques. Au départ conçues pour le milieu du sportswear, celles-ci s'invitent de manière croissante dans les arbitrages de matières des griffes généralistes, tandis que les appellations comme Climachill (Adidas), Hypercool (Nike) ou Heattech (Uniqlo) gagnent en reconnaissance chez les consommateurs.

Autre piste de réflexion : rendre le plus atemporelles possible les collections. Une initiative qu’entreprennent déjà des marques casual comme Agogo ou Maison Standards, qui proposent une offre composée majoritairement d’intemporels, à retrouver d’une saison sur l’autre, en plus de quelques pièces plus mode renouvelées tous les six mois.

Assouvir la demande de durabilité et d'éthique des consommateurs

Difficile de trouver défi plus important sur le long terme que la responsabilité sociétale des entreprises, soit la prise en compte des facteurs humains et environnementaux dans leur business. Parmi les 44 % de Français ayant moins consommé d’habillement en 2018, 40 % l’ont fait par choix éthique, selon l’IFM. Le Made in France s’est ainsi durablement installé dans le paysage commercial, porté par un désir de plus en plus affirmé de consommer local. Mais le développement durable et la responsabilité sociale demeurent des sujets complexes, alimentant, comme les promotions, la défiance des consommateurs vis-à-vis des marques, massivement soupçonnées de "greenwashing".

En matière de bonnes pratiques, la demande semble aujourd'hui surpasser l'offre. Si 20 % des consommateurs ont acheté de la mode responsable en 2018, seules 8 % des enseignes placent la durabilité au cœur de leur stratégie en 2019. Laissant donc un boulevard pour l’arrivée de nouvelles griffes ouvertement écoresponsables.

Ce défi de la transparence prend une ampleur toute autre au travers des réseaux sociaux, où les moindres faux pas stratégiques et marketing promettent désormais un retour de flamme aussi destructeur qu’immédiat. Mais aussi, ironiquement, durable, en premier lieu dans les esprits des millennials, dont les exigences n’ont d’égal que la bonne mémoire. Un enjeu capital dans le luxe notamment, où des polémiques en ligne ont secoué plusieurs grandes maisons, de Burberry à Dolce & Gabbana. Cette dernière a d'ailleurs eu bien du mal à éteindre l'incendie en Chine, et l'on attend aujourd'hui de connaître l'ampleur des conséquences des accusations de racisme portée à son encontre sur ses prochains résultats.

Alors que les inquiétudes d'un potentiel ralentissement de la croissances des ventes de luxe en Chine planent, les maisons ont plus que jamais intérêt à faire preuve d'une grande prudence dans la manière dont elles communiquent sur ce marché.


L'unification des stocks permettrait de doper de 20 % et plus l'activité omnicanale, limite les ruptures de stock et permet d'expédier les commandes Internet directement depuis les boutiques disposant des pièces necessaires - Shutterstock


Penser omnicanalité

En dépit des craintes passées, Internet n’a pas tué le commerce physique. Le premier abreuve même le second en visiteurs. Et, depuis deux ans, les enseignes physiques sont les plus gros vendeurs de mode en ligne. Prises entre érosion des ventes et transformation des processus d’achat, nombre d’enseignes rationalisent leurs réseaux. Réseaux qui deviennent en partie des espaces de stockage pour les ventes en ligne. Cette unification des stocks, nouvel enjeu majeur du secteur après celui du big data, souligne plus que jamais l’alignement des enjeux entre activités online et offline. Et cela malgré des désaccords persistants sur leurs taxations locales respectives.

Ce qui nuit à l’un, nuit désormais clairement à l’autre. Dernier exemple en date, l’effet d’aubaine prédit pour Internet durant la mobilisation des "gilets jaunes" a été réfuté par les professionnels du e-commerce, qui se découvrent tributaires eux-aussi d’une population aux dépenses plombées par le climat social. Un conflit qui en cache un autre : parmi les 200 000 portails vendant en France, nombreux sont ceux dénonçant la distorsion de concurrence dont profitent les Gafa. Pesant 7,6 % des ventes françaises d’habillement en valeur selon le cabinet Kantar, Amazon est de fait aussi bien la cible des acteurs online qu’offline. Mais le géant américain est aussi, selon la société de conseils Gartner, une chance pour les petites marques d’exister face aux grands noms.

Mutualiser les ressources entre marques

Dans le secteur chahuté des enseignes de mode, le rapprochement avec d’autres marques apparaît comme une nouvelle formule à tester. Cela peut se concrétiser en magasin, à l’instar de l’association de la chaîne de mode féminine Cache Cache avec l’enseigne pour enfants Vertbaudet. En novembre, les deux acteurs ont ouvert à Narbonne un premier magasin partagé : « On a déterminé qu’une offre enfant pourrait rendre service à notre client, explique Nicolas Flaud, le directeur général de Cache Cache. C’est là notre première considération, même si évidemment l’efficacité opérationnelle rentre en jeu dans ce type de partenariat ». 

C'est la data et son traitement que souhaite de son côté mutualiser l’écosystème Fashion3 (réunissant les marques de mode de la famille Mulliez). Il s’agit d’une plateforme commune permettant d'échanger des données sur les clients pour leur proposer des services ciblés. Un service qui va au-delà de ses enseignes du pôle mode de la galaxie Mulliez (Jules, Brice, Bizzbee, La Gentle Factory, Pimkie, RougeGorge, Grain de Malice et Orsay) puisque ce programme est ouvert à des marques tierces. L’objectif est clair : « Constituer la plus grande base de données mode partagée », annonce Pingki Houang, en charge de la transformation omnicanale de Fashion3.

Le principe de concurrence reste évidemment prégnant dans le secteur de l'habillement, mais les cloisons deviennent de plus en plus poreuses en vue de mieux résister à la conjoncture. Un nouvel esprit collaboratif salutaire en 2019 ?

Coordonner commerces de centre-ville et de périphérie

Le commerce d’habillement français est néanmoins pétri d’oppositions entre canaux de distribution. L’an passé, la vacance commerciale en centre-ville franchissait le cap symbolique de 10 % dans les villes moyennes. Une problématique que l’Etat a finalement décidé prendre à bras-le-corps avec son plan "Action Cœur de Ville" qui entend raviver 222 cœurs de villes. Derrière cette prise de conscience a rejailli dans les discours de certains politiques et professionnels l’opposition entre commerces de centre-ville et de périphérie.

Ces complexes commerciaux hors des villes, qui se sont développés au fil des décennies de façon parfois anarchique, avec l’assentiment des élus, ont quant à eux pour défi de moderniser des zones datées. Amenant les promoteurs à réclamer de ne pas être exclus de la réflexion coordonnée sur le futur du paysage commercial tricolore. Une dialogue qui, s’il parvient à se mettre en place, pourrait mettre fin à la vieille polémique opposant cœurs de ville et périphéries. Surtout à l’heure où un « ennemi » commun, l'e-commerce, s’invite constamment, d’une manière ou d’une autre, dans le débat.



Matthieu Guinebault avec la rédaction

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