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05.11.2020
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Marc Pradal (UFIMH): “Nos industriels ont du travail jusqu’à la fin de l’année”

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05.11.2020

Président de l’Union Française des Industries de la mode et de l’habillement, Marc Pradal évoque pour FashionNetwork.com la situation de la filière en ces premiers jours de reconfinement. D’une visibilité qui reste faible pour 2021 jusqu’à un changement de mentalité au sein de la profession, en passant par un retour des commandes de masques, le professionnel appelle par ailleurs à la réouverture rapide des commerces d’habillement.


Marc Pradal - UFIMH



FashionNetwork.com : Quelle est la situation de la filière, à l’heure où la France s’est reconfinée ?

Marc Pradal : Du côté de nos façonniers et de nos industriels, on a des entreprises qui ont repris leurs activités avec leurs clients et qui aujourd’hui sont relativement chargées en commande pour les semaines à venir. Certains plafonnent encore à 80% d’activité, mais globalement, il y a du travail jusqu’à la fin de l’année, au-delà, c’est une autre paire de manches. En attendant, la filière textile est à nouveau sollicitée pour des masques.

FNW : Comment se déploie la production de masques, cette fois-ci ?

MP : Le groupement Savoir-Faire Ensemble essaie de favoriser la mise en relation entre fournisseurs et acheteurs. Cela facilite des prises de commandes. Commandes qui permettent soit de déstocker la quantité importante de masques qui reste de la vague précédente, soit de mettre en production des masques qui, ces derniers mois, ont évolué.

On nous demande des masques avec des qualités de "respirabilité" supérieures. Avec un confort amélioré. Avec de nouvelles matières. Et aussi avec un plus grand nombre de lavages possibles. Nous avons ainsi beaucoup de demandes portant sur des masques supportant au minimum 50 lavages. Sachant que les industriels ont, eux, appris de cette expérience précédente, et avaient déjà amélioré leurs masques, et élargi le choix. Mais il demeure donc une demande pour des masques enfant et adulte produits localement.


FNW : Et du côté des commandes d’Etat ?

MP : Il y a un certain nombre d’appels d’offres de régions et villes qui, pour certaines, essaient de privilégier les circuits courts et la fabrication française. C’est assez nouveau, et ce n’est pas général. Mais on sent quand même une sensibilité nouvelle sur le sujet. Des masques, il en reste beaucoup dans nos stocks, et l’Etat souhaite racheter des masques. Ses représentants sont en contact avec des importateurs, mais aussi avec des fabricants français. Nous avons donc toujours espoir de pouvoir vendre ces stocks.

FNW : Lors du premier confinement, certaines entreprises produisaient uniquement des masques. Quelle part prendra cette fois cette activité ?

MP : La production va être très marginale dans nos entreprises, cette fois-ci. Certains confrères ne souhaitent d’ailleurs même pas en "re-fabriquer". Parce que c’était au printemps un contexte particulier, et que cela demande une organisation particulière. Sans parler des stocks d’invendus que je mentionnais. Et, en dehors des masques, la charge de travail des commandes classiques, sans être soutenue, et plutôt correcte. Cela n’empêche pas que certains s’y intéressent néanmoins, continuent d’en produire mais pas dans les mêmes proportions.

Certains professionnels du textile, en revanche, se sont passionnés pour la question et ont investi parfois des montants assez importants. Pour un processus automatisé, vous pouvez en avoir jusqu’à 200.000 ou 300.000 euros, et certains ont déboursé jusqu’à plus d’un million d’euros pour professionnaliser la production, et se spécialiser dans le domaine. 



Une usine Louis Vuitton en avril dernier - David Gallard



FNW : Fléchissement des commandes ?

MP : Il n’est pas évident de répondre à cette question. Car elle dépend largement des très nombreux marchés sur lesquels opère notre filière. Chaque marché fonctionne aujourd’hui plus ou moins bien. Le luxe, qui travaille à l’export sur le sud-est asiatique, marche par exemple plutôt bien. Il y a donc derrière un flux de commandes qui reste actif. Pour des marques, c’est un peu plus compliqué. Et les entreprises qui fabriquent pour de jeunes marques comme Le Slip Français, finalement, sont moins pénalisées car ces marques vendent surtout sur Internet. Comme je le disais, chacun a du travail jusqu’à Noël. Au-delà, la visibilité est encore assez courte. 

Une fermeture des boutiques "injuste et incompréhensible"



FNW : Peut-on parler d’un certain optimiste, comparé à l’inquiétude lors du premier confinement ?

MP : Dès ce premier confinement, j’avais prévu qu’il y aurait un avant et un après. Nous vivons désormais au jour le jour, à la semaine, ou au mois. On n’est plus dans une activité économique traditionnelle comme celle que l’on a toujours connue. Parmi nos entreprises, certaines sont très agiles, savent s’adapter, et sortiront renforcées. Et d’autres seront terriblement affaiblies. Celles qui ont pu s’adapter sont inquiètes, mais pas plus que cela. Chez les autres, l’inquiétude est évidemment forte. C’est avant tout un état d’esprit qui est différent à l’échelle de la filière.

FNW : Quels échos avez-vous du coté des marques ?

MP : Chez nos marques clientes, la situation est évidemment compliquée. Certaines marques se sont adaptées comme elles le pouvaient via les outils de numérisation, pour pouvoir vendre sur Internet, et être présent sur les réseaux sociaux. Il y a donc une évolution, et notre fédération est là pour accompagner cette adaptation. 

Par contre, nous nous sommes insurgés contre cette mesure de fermeture des boutiques. Elle nous semble très injuste et incompréhensible. Surtout, elle met en péril des personnes qui ont travaillé toute leur vie, et qui voient pour certains leur vie économique ruinée dans cette période. C’est pourquoi avec plusieurs fédérations, nous nous sommes unis sur cette question.

FNW : Prise de parole notamment dirigée contre la grande distribution...

MP : Nous jugions injuste que la grande distribution puisse rester ouverte et continuer à vendre des vêtements. Là où nous, nous ne pouvions pas. Or je ne pense pas que le risque sanitaire était plus fort chez nous, avec toutes les mesures que l’on a prises ces derniers mois, que dans les grandes surfaces, où la densité de trafic est beaucoup plus importante.

Par ailleurs, cela n’allait pas dans le sens du discours du gouvernement qui, depuis l’an passé, veut redynamiser les centres-villes. Ce qui achève de rendre tout cela incompréhensible. C’est d’autant plus injuste que nos boutiques ont été pleinement livrées ces derniers temps, mais que, à l’approche des fêtes de Noël, elles ne vont pas avoir l’occasion d’en écouler des produits.

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