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Clémentine Martin
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21.02.2020
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Lutz Huelle (Delpozo) : "Dans la mode, tout recommence à zéro deux fois par an"

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Clémentine Martin
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21.02.2020

Lutz Huelle est un homme souriant, de nature tranquille et optimiste. C’est un rayon de soleil qui tente de se frayer un chemin au milieu des nuages de doutes pesant sur Delpozo depuis maintenant plus d’un an. Peut-être le créateur allemand aime-t-il les défis. Ou seraient-ce les 20 ans passés à la tête de sa propre marque indépendante qui lui permettent d’afficher une sécurité même dans les périodes de crise ? À l’occasion du lancement de la collection capsule de Delpozo en collaboration avec Anthropologie pendant le salon 080 Barcelona Fashion, FashionNetwork.com a pu rencontrer le designer au flagship de la marque américaine du Paseo de Gracia à Barcelone. Il reste pour l’instant le directeur créatif de Delpozo, maison actuellement en vente, jusqu’à preuve du contraire.


Le créateur allemand Lutz Huelle - Anthropologie


"Quand je suis arrivé chez Delpozo, nous voulions étendre notre offre à d’autres catégories de produits et afficher une plus grande ouverture en général. Nous souhaitions aussi privilégier des tissus et des matériaux plus faciles à porter au quotidien", explique Lutz Huelle.

Il est bien conscient de la situation difficile dans laquelle se trouve la griffe madrilène. En décembre 2018, il a succédé à Josep Font aux rênes du design de la maison. Mais cette collaboration avec Anthropologie marque la réalisation de ses premières pièces comme directeur créatif de la marque. "Ce que je préfère dans cette capsule, c’est qu’elle représente d’une certaine façon l’idée que j’avais en tête pour la marque. Cette expérience a été idéale pour moi", se réjouit-il. La marque Anthropologie fait partie du groupe nord-américain URBN.

"J’ai voulu rendre Delpozo accessible à tout le monde"


 
Ce n’est pas pour rien que Delpozo a misé sur Lutz Huelle. Le créateur devait permettre à la marque de toucher de nouveaux acheteurs et de redéfinir son positionnement. "Avec cette collection, j’ai voulu rendre Delpozo accessible à tout le monde", résume-t-il. Et cela se reflète dans le positionnement prix de la collaboration, avec des tarifs commençant à 57 euros pour un diadème et allant jusqu’à 557 euros pour un fauteuil. "Delpozo est une marque extraordinaire, avec une grande histoire et un patrimoine incroyable, mais elle se positionnait jusqu’à maintenant sur un segment tellement haut de gamme que très peu de gens pouvaient y accéder. Et c’est dommage, parce que c’est une marque de rêve", regrette-t-il.

Cette occasion de collaborer depuis un an avec une entreprise "à 360 degrés et ouverte aux suggestions" comme Anthropologie le comble. "C’est génial de créer des looks de tapis rouge : des robes parfaites pour des femmes parfaites avec un corps parfait. Mais ce n’est pas la réalité. Pour moi, l’un des principaux objectifs de cette collection, c’est d’habiller les gens « normaux », toutes ces femmes belles, imparfaites et intéressantes", défend-il.
 
Formé sur les bancs de la prestigieuse école de Central Saint Martins, Lutz Huelle s’est installé à Paris en 1995. Il y a fait ses débuts en tant que responsable des collections de maille de Martin Margiela. Cinq ans plus tard, il a lancé sa firme éponyme aux côtés de son associé David Ballu. "À Paris, je me sens chez moi. Je crois que c’est le meilleur endroit où vivre. C’est une ville qui reste ouverte et créative. Pour être honnête, je pense que Paris serait aussi l’idéal pour Delpozo", confie-t-il.

Comment le designer arrive-t-il à concilier ses deux projets créatifs ? "Ma propre marque est un projet d’une envergure relativement réduite, donc je n’y investis pas non plus énormément de temps. Tout est déjà bien huilé et organisé. Cela fait beaucoup de temps que je fais ça, et j’ai toujours mené ma propre marque de front avec d’autres postes", clame-t-il. Il est en effet consultant pour d’autres entreprises, comme les marques de luxe Brioni et Max Mara.
 
Le créateur affirme même apprécier cette dualité. "Je n’ai jamais eu besoin de me sentir complètement représenté dans une marque qui n’est pas la mienne. Cela arrive parfois avec certains créateurs, dont les collections deviennent d’une certaine façon très personnelles", analyse-t-il. Il ajoute avec sincérité : "Parfois, ce n’est pas exactement ce dont la marque a besoin. Pour moi, c’est plus facile : si j’ai envie de faire une folie, je peux la faire avec ma propre marque. Mon autre casquette, c’est celle de prestataire d’un service pour une entreprise."


Vitrine de la boutique Anthropologie sur le Paseo de Gracia, à Barcelone - FNW


Delpozo a quitté la Fashion Week de Londres avant que Lutz Huelle ne puisse y faire ses débuts. Mais sa propre marque est fidèle depuis des années à la Semaine de la mode parisienne, où il présentera sa dernière collection le 28 février prochain. "Je crois que les Fashion Weeks sont toujours importantes. Ce ne sont pas seulement des événements de folie : ce sont avant tout des séances de travail où les créateurs montrent leurs réalisations à la presse et aux acheteurs. Ce n’est rien de plus que ça, mais c’est pourquoi elles sont essentielles et je crois que nous l’oublions parfois", estime-t-il.

"J’adore la mode parce que c’est le seul secteur où l’on peut se renouveler tous les six mois"


 
Il poursuit : "La question, c’est de savoir combien de personnes doivent participer et comment gérer l’augmentation de ce nombre. Si nous voulons ouvrir les Fashion Weeks au grand public, nous allons devoir le faire de manière raisonnée. Il ne faut pas négliger la partie qui correspond aux professionnels du secteur de la mode. Actuellement, nous sommes à mi-chemin entre les deux et je crois que c’est une position compliquée", avertit le créateur.

Acheteurs, presse, influenceurs et même fans des marques cohabitent dans la mode : comment définir la notion de professionnel du secteur ? "Je pense qu’elle n’est pas claire pour tout le monde, tout comme le public auquel nous nous adressons pendant les défilés n’est pas clair. Nous devrions commencer à réfléchir aux raisons qui nous poussent à faire des défilés et à nos objectifs", avance-t-il.
 
Parler de projets avec Lutz Huelle n’est pas facile, puisque son avenir à la tête du design de Delpozo va dépendre du futur propriétaire de la marque, qui a été remise à la vente cette semaine après avoir échoué à trouver un terrain d’entente avec son potentiel acheteur. "J’adore la mode parce que c’est le seul secteur où l’on peut se renouveler tous les six mois. McDonalds ne peut pas changer de menu tous les six mois. Les créateurs, oui ", sourit Lutz Huelle. Un sourire qui ne l’aura pas quitté de l’entretien. "Au final, dans la mode, tout recommence à zéro deux fois par an. Et c’est hallucinant", s’exclame-t-il. Qui sait quand Delpozo aura, à son tour, une chance de repartir de zéro ?

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