Le touriste chinois est aussi un internaute

Avant de visiter un pays, le touriste chinois prépare désormais son voyage en ligne. "Pour augmenter notre capacité d’attraction, nous devons être aussi bons à Paris que sur Internet", a résumé Philippe Saffon, directeur des médias et du numérique d’Aéroports de Paris, qui intervenait lors d’une table ronde organisée par ChinaConnect. Le rendez-vous européen du marketing, du numérique et du mobile en Chine s’est tenu les 6 et 7 mars à Paris.

Le temps des touristes chinois voyageant uniquement en groupe organisé, venus de villes de première catégorie, attirés exclusivement par les grandes marques à héritage, semble en effet révolu. "On voit de plus en plus de groupes de 3 à 4 personnes, en provenance de villes de deuxième ou troisième catégorie, qui sont plus sensibles à la valeur des articles qu’aux prix. Leur pouvoir d’achat est moins élevé et ils ont un niveau poussé de connaissances sur ce qu’est une bonne marque", a précisé Julia Q. Zhu, fondatrice et directrice générale de Observer Solutions, une société de conseil en stratégie e-commerce.

Plus indépendant et plus connecté, le touriste chinois est aussi plus jeune. "65 % des Chinois voyageant en Europe ont moins de 35 ans, a indiqué Nathalie Rémy, qui codirige en Europe le pôle d’activité Mode et Luxe de McKinsey. Beaucoup parlent anglais et sont déjà venus en Europe. Ils entrent dans les boutiques avec la liste des articles qu’ils vont acheter, et leur prix. D’où la nécessité pour mes clients d’être très actifs en ligne".

Michelle Lau, directrice du développement de la clientèle internationale du Printemps, a reconnu que beaucoup restait encore à faire par le grand magasin parisien en termes de communication en Chine. "Nos actions visent pour l’instant principalement les touristes chinois une fois qu’ils sont arrivés à Paris. Nous travaillons avec les marques de luxe pour leur proposer des collections dédiées, par exemple au Printemps Louvre, et avec des marques exclusives, comme Victoria Beckham. Nous ciblons aussi les jeunes chinois à la recherche de mode pointue en travaillant avec Maria Louisa, qui leur sélectionne des marques de niche qu’ils ne peuvent trouver qu’à Paris. Lors du Nouvel An Chinois, nous faisons aussi venir Miss France. Dans les boutiques, nous développons des services dédiés à la clientèle chinoise tels que du personal shopping ou du one-stop-shopping, car certains ont très peu de temps pour acheter".

Faire de Paris une expérience recommandée sur Weibo par les KOL (Key Opinion Leaders) chinois, tel est l’objectif de Philippe Saffon. Aéroports de Paris anime un site Internet en chinois hébergé en Chine, référencé sur Baidu, proposant un guide pratique sur la capitale et ses aéroports, avec une sélection de bars, restaurants, musées, afin de pouvoir organiser son voyage en amont et de simplifier ses achats. La dernière initiative en date est le lancement d’une application sur la plateforme de messagerie instantanée WeChat.

L’enjeu est aussi de maintenir la compétitivité de Paris, alors que d’autres destinations européennes montent en puissance. "Paris est actuellement la première destination des touristes chinois, mais il y a un effet de rattrapage de l’Italie et du Royaume-Uni, a prévenu Nathalie Rémy (McKinsey). Trois éléments sont à l’origine de cette tendance: l’obtention de visas, qui a récemment été grandement facilitée par la Suisse et le Royaume-Uni. Puis la réglementation concernant l’argent liquide, qui limite en France les versements à 3 000 euros, alors que les Chinois apprécient ce type de paiement. Et enfin l’obligation de déclarer les commissions des tour-operators en France, quand la Suisse par exemple ne prélève rien".

La concurrence se renforce, et les changements des habitudes de consommation des touristes chinois, de plus en plus adeptes des applications sur smartphones et du m-commerce, ont tendance à s’accélérer. Mais la marge de croissance est immense car, comme le souligne Nathalie Rémy, "seulement 2 % des Chinois ont un passeport".

Marie-Hélène Corbin