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30.09.2004
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Le jean est-il de passage sur les podiums de mode ?

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30.09.2004

Oscar Levi’s Strauss était loin de se douter qu’il venait de créer LE vêtement du 20ème siècle lorsqu'il décida alors de fabriquer des pantalons capables de résister plusieurs années en utilisant la toile de Nîmes (denim !)... Ce jeune Bavarois émigre en 1850 à San Francisco où il compte profiter de la ruée vers l’or pour vendre des toiles de tente et des bâches de chariot aux prospecteurs. Très vite, il se rend compte que les mineurs manquent de pantalons solides et que son stock de grosse toile serait mieux rentabilisé s’il y taillait des vêtements. Ces pantalons prirent le nom de jeans, en souvenir de la ville italienne de Gênes qui exporta la toile pour en habiller ses marins. Ainsi, naît en 1853, le premier Levi’s ! Sa résistance est très vite appréciée par les chercheurs d’or puis les cheminots et les cow-boys. Son look, quant à lui, séduisit le grand écran américain et surtout les jeunes : le jean avait quelque chose à dire. Il parlait de rébellion, d’indépendance, de jeunesse et s’affichait unisexe. Adopté par les bad boys, les motards, les rockeurs, il perd progressivement sa valeur symbolique de signe de reconnaissance. Il est même devenu l’absence de signe… Le succès phénoménal de ce tissu populaire intrigue les créateurs de mode. En 1964, Marithé Bachellerie et François Girbaud s’intéressent à la toile indigo et commencent à entreprendre des expérimentations en terme de délavage et de traitement de la toile. Véritables «jeannologues», ils vont être à l’origine de nombreuses évolutions technologiques. Yves-Saint Laurent franchit le pas à la fin des années 1960. Il travaille la toile indigo comme un tissu luxueux et lui donne l’opportunité de s’exprimer sur les podiums dans une de ses collections de prêt-à-porter. Les autres créateurs emboîtent le pas : Kenzo, Emmanuel Kahn, Daniel Hechter, Claude Montana, Thierry Mugler vont donner une nouvelle amplitude à la mode en la faisant descendre dans la rue et contribuent par conséquent à l’ascension fulgurante du jean.

Les années 70 marquent l’âge d’or du jean sous toutes ses formes : rapiécé, relooké, pattes d’eph ou droits, le jean laisse libre recours à la créativité. Calvin Klein, Gloria Vanderbilt, Giorgio Armani, Azzedine Alaïa et bien d’autres encore prennent la vague du jean dans les années 1980. Certains créateurs vont même jusqu’à créer une ligne de jeans indépendante de leurs collections de prêt-à-porter. C’est le cas de Armani Jeans, Versace Jeans Couture ou de JPG jeans. Mais le jean perd la cote, son manque d’innovation va lui coûter cher. Dans les années 1990, il devient le «pantalon-à-papa». Son public d’origine, les jeunes, le boudent et lui préfèrent de nouvelles matières et de nouvelles formes plus larges proposées par le streetwear. Pourtant, le jean n’a pas dit son dernier mot. Son retour en force, il le doit aux couturiers et aux créateurs de mode. En 1999, Jean-Paul Gaultier ose : il crée une robe de soirée haute couture totalement faite en denim. Le denim quitte définitivement son rôle de labeur et devient chic. Dans un monde où les codes vestimentaires volent en éclat, les mélanges et associations de genres sont les bienvenus. Aujourd’hui, porter une veste Chanel avec un jean est très tendance et loin d’être considéré comme une faute de goût. Les marques de luxe ont vite compris l’intérêt du jean : attirer une clientèle jeune à fort potentiel sur un produit d’entrée de gamme, qui s’orientera plus tard sur des produits à forte valeur ajoutée. Synonyme de jeunesse et de mode, le jean contribue fortement à modifier l’image de la marque. Mais ces marques de luxe vendent avant tout la marque et non le produit. Peu d’entres elles sont dotées d’un réel savoir-faire en matière de jean à l’exception de Marithé et François Girbaud. Certains s’initient au travail de la toile comme Helmut Lang et Dior. C’est le cas aussi d’un jeune créateur français Vincent Dupontreuè, installé rue du Faubourg Saint Honoré dont la particularité consiste à créer des jeans sur mesure. Il a eu l’audace de créer le jean le plus cher du monde recouvert entièrement de strass et vendu au prix de 56000 euros. Alors que la plupart des marques de luxe vendent la marque, les jeanneurs vendent aussi le produit. Le marché du jean ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui sans eux. Des marques telles que Diesel, Evisu, Hogan, Earl Jeans et Gas, pour n’en citer que quelques unes sont dotées d’un réel savoir-faire et d’une maîtrise totale des techniques visant à travailler la toile. Elles sont à la base d’innovations constantes et tirent le marché du jean vers le haut en brassant une clientèle large et diversifiée. Phénomène de mode, ou véritable retour de cette matière symbolique ? De toute évidence, le jean a encore de beaux jours devant lui, et il restera présent dans les garde-robes d’une clientèle inconditionnelle de cette matière fétiche qui continue d’inspirer les plus grands. Les professionnels s’accordent à dire que le jean a réellement sa place dans le luxe. Sa présence n’est pas uniquement liée à un effet de mode. Aujourd’hui, il correspond à un comportement, à une attitude, à un état d’esprit qui vont bien au-delà des phénomènes de mode. La magie du denim réside dans sa créativité et dans sa capacité à ne faire qu’un avec notre corps. Il est en quelque sorte une seconde peau dans laquelle on se sent bien, dans laquelle on évolue et on vit une histoire. Finalement, le vêtement du 20ème siècle n’a pas dit son dernier mot. Il a réussi son entrée dans le 21ème siècle en étant ce qu’il n’avait jamais été auparavant : un produit de luxe. Et il compte bien le rester… Anna Millet

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