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Laurence Paganini (Kaporal) : « Le monde entier nous est ouvert »

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28.04.2016

Depuis la prise de contrôle de Kaporal par le fonds Towerbrook, la marque marseillaise a vu évoluer son style, élargissant son offre tout en conservant sa clientèle historique, mais aussi sa culture. Laurence Paganini, directrice générale depuis mi-2013, met en avant une belle progression des ventes et de la rentabilité. La dirigeante explique surtout qu’avec une stratégie nouvelle dans la communication et les produits, Kaporal a préparé son expansion internationale.

Laurence Paganini


Fashionmag.com : Quelle a été la réalité de Kaporal en 2015 ?


Laurence Paganini : Depuis 2013, nous avons accéléré le développement de l’entreprise. L’année 2015 a été riche avec une augmentation de chiffre d’affaires de près de 9 % et un gain de parts de marché sur tous les réseaux de distribution. Dans un contexte de marché difficile, avec une météo très clémente sur l’hiver, et malgré la situation économique française, nous sommes contents de nos résultats.

FM : Il y a trois ans, nous évoquions un chiffre d’affaires proche de 110 millions d’euros. Qu’en est-il aujourd’hui ?

LP : Quand nous avons repris Kaporal, le chiffre d’affaire de la société était de 107 millions et nous avons clôturé le dernier exercice à 124 millions d’euros. La rentabilité, elle aussi, a été améliorée de 45 % entre 2013 et 2015.

FM : Comment expliquez-vous cette amélioration ?

LP : Cette amélioration est due à notre stratégie de développement sur nos trois canaux de distribution. D’une part, nous avons procédé à la reprise de la relation directe avec nos clients multimarques. D’autre part, nous avons développé un nouveau site e-commerce, à la fois site marchand et vitrine de la marque. Enfin, le développement du retail, même s’il nécessite de lourds investissements, nous aide en valeur absolue à faire progresser le ratio.

FM : Lors de la reprise par Towerbrook, l’international était pointé comme un levier de développement. Que représente-t-il aujourd’hui ?

LP : Aujourd’hui la part de l’international est encore faible ; elle représente moins de 5 % du total de notre activité. L’international n’a pas encore eu de croissance significative depuis le rachat. Historiquement, nous étions présents dans beaucoup de pays via des agents. Nous avons choisi de poursuivre notre développement de manière structurée, par zone, avec l’aide de partenaires qui nous garantissent la maîtrise que l’on veut avoir de la marque.

FM : Mais donc quels sont les développements ?

LP : Cela se prépare. Il y a eu un petit temps d’adaptation. Le premier accord que j’ai signé est un partenariat avec CFAO l’an passé. C’est important car c’est un contrat de master franchise sur les pays d’Afrique concernés pour 10 ans (Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Ghana, Nigeria, République démocratique du Congo et Sénégal). Nous allons nous développer sur ces territoires avec des magasins Kaporal proposant une collection conçue ici et sélectionnée par les équipes de CFAO.
 
FM : Avec quelle ambition ?

LP : Nous avons eu une première ouverture à Abidjan en fin d’année et nous en avons d’autres prévues prochainement. Nous devrions ouvrir entre 10 et 15 magasins assez rapidement. Nous avons aussi créé deux nouvelles filiales, en plus de notre filiale en Belgique qui fonctionne très bien. Nous avons recruté des country managers, des équipes commerciales et créé des showrooms en Allemagne et en Espagne. Notre showroom à Düsseldorf a ouvert ses portes avec la collection été 2016. La filiale espagnole a été créée au mois de décembre, et nous y présentons la collection hiver 2016.

La ligne Casual - Kaporal


 FM : Le marché français a donc concentré vos efforts. Dans le détail, quelle est votre vision des différents volets ?

LP : Les magasins multimarques représentent un réseau en difficulté, mais que l’on affectionne. Le fait d’avoir douze personnes en régions nous permet de les suivre et de les accompagner. Quand on a des intermédiaires, nous n’avons pas forcément la vision globale de notre distribution, des demandes des clients, des sell out. Aujourd’hui, nous avons un retour d’expérience qui nous aide à progresser dans les collections, dans les mises en avant. Nous avons aussi travaillé notre segmentation en fonction de leur situation, de leur taille, de notre univers de concurrence…

FM : Ce n’était pas le cas auparavant ?

LP : Non, parce qu’avec des distributeurs, il n’est pas possible d’avoir le contact direct avec le client. De fait, cela a changé notre back-office : le service qui s’appelait « Administration des ventes » s’appelle aujourd’hui « Service client » pour mieux accompagner nos clients multimarques. Cela passe par le développement de services, avec au premier chef la création d’un site B2B, permettant des réassorts et des actualisations ; ce site est géré comme un site B2C avec des envois de newsletters, d’e-mails, dans le cadre d’un plan d’animation.

FM : Et depuis la mise en place du site l’an dernier, quel est l’impact ?

LP : Nous restons une petite société : auparavant, sans le site B2B, il était moins facile de revenir auprès de chaque client ; à présent, nous avons une croissance de +62 % sur les réassorts. D’autres services sont en cours de développement et verront le jour prochainement

FM : Quel est votre réseau aujourd’hui ?

LP : Nous comptons 1 600 points de vente multimarques Homme, Femme et Junior, mais aussi 150 shops in shops dans les grands magasins. Certains shops in shops se développent également chez de gros acteurs multimarques. Nous venons d’implanter un espace de 60 mètres carrés pour le rayon femme chez Planète Mode à Givors. Par ailleurs, nous nous réjouissons de très bons résultats chez des acteurs historiques du jeans, comme CCV, qui compte 16 magasins et avec qui la relation s’est intensifiée.

FM : Il y a trois ans, nous évoquions 1 300 points de vente. Comment avez-vous élargi ce réseau ?

LP : Je tiens à préciser que le chiffre communiqué il y a trois ans était encore approximatif car nous étions en train de basculer du modèle Distributeurs vers le modèle Direct. Néanmoins, pour répondre à la multitude de profils des clients multimarques, nos gammes se sont élargies. Nous avons gardé nos produits Origine en phase avec l’ADN de la marque : des produits assez marqués, qui jouent avec les codes historiques de la marque, tant par la teinte des vêtements que par les détails qui les ornent (patchs, logo, détails sur les jeans). Une grosse partie de notre clientèle est encore très friande de ces produits-là. On a créé également une ligne de produits plus mode, plus en phase avec les attentes d’autres types de consommateurs : la ligne Casual, plus proche des tendances, plus épurée, avec des codes produits moins ostentatoires. Celle-ci nous permet aujourd’hui de pénétrer des réseaux de magasins multimarques féminins qui attendaient cette évolution de la marque.

FM : Concernant les boutiques, quelle est la situation ?

LP : Nous sommes en croissance en données comparables à fin mars 2016. Nous prenons des parts de marché grâce à nos 86 succursales. Et nous ouvrons en mai sur la rue du Faubourg Saint-Antoine à Paris. A présent, nous adaptons la sélection de produits par typologie de magasin et le concept de chaque boutique car le succès d’une marque passe aussi par sa capacité à savoir s’intégrer à son environnement. Nous avions un historique en retail, avec des emplacements un petit peu moins premium que ce qu’ils sont aujourd’hui. L’emplacement est capital dans la stratégie de développement retail et notre volonté est d’ouvrir des magasins à  des emplacements n°1 qui servent à la fois à booster les ventes, mais aussi de vitrine pour la marque. En partie grâce à cette exposition stratégique, notre notoriété assistée a augmenté de neuf points entre 2013 et 2016.

FM : Ce ne sont pas seulement ces vitrines qui ont apporté cette notoriété supplémentaire tout de même ?

LP : J’ai appris dans le retail que la vitrine est encore plus puissante qu’un emplacement 4X3. Mais les boutiques ne sont évidemment pas le seul levier. Avec notre site e-commerce, nous faisons en sorte que cet espace de vente digital serve autant la visibilité et la construction de  l’image de la marque que le business. Nous avons lancé Kulture Jean, un véritable magazine en ligne dédié au Denim, accessible depuis kaporal.com. Cela renforce notre positionnement de numéro 1 français du jeans en France. En notoriété et en taux de transformation, nous avons de très bons résultats.

FM : Justement, que pèse l’e-commerce aujourd’hui dans l’activité de la marque ?

LP : Il y a quelques années, sur le marché de la mode, la part de ce qui était vendu sur Internet était de 2 % ou 3 %. Google avait annoncé que très rapidement le chiffre atteindrait 20 %. Aujourd’hui, si je cumule ce que Kaporal vend en ligne entre Amazon, La Redoute, Zalando, 3 Suisses et notre site Kaporal.com, on dépasse les 20 %. Il y a une certaine logique à tout cela : le commerce en ligne est très affinitaire avec notre cible qui est digital native. Plus de 50 % de notre flux vient des tablettes et des téléphones. Nous maintenons un investissement publicitaire en affichage et en presse, mais on sait aujourd’hui que, pour toucher notre cible, nous devons être présents sur le Web avec des campagnes digitales et une forte prise de parole sur les réseaux sociaux.

FM : Avec quel message ?

LP : Expliquer notre identité. Nous avons de plus en plus de communication sur le produit. Nous avons parlé de la segmentation entre les lignes Origine et Casual, mais la stratégie d’innovation est aussi clé. Mon passé m’a montré que grâce à l’innovation on peut faire parler de la marque et enrichir son contenu. Il y a eu en 2015, puis en 2016, le développement de l’Extend denim, le jean « confort » de Kaporal permettant une totale liberté de mouvement, qui avec le danseur Lil Buck donne une dimension internationale à la marque. Mais aussi le Connecting Jean, le premier Jean connectant car on sait que les wearables sont l’avenir du textile. Etre dans les premiers à prendre la parole sur ce sujet, c’est une façon de se positionner.

FM : Ces initiatives ont un rôle dans les 9 % de croissance ou préparent-elles le coup d’après ?

LP : Elles soutiennent surtout la notoriété de la marque. Avec le développement de la ligne Casual, cela fait partie des piliers pour l’internationaliser. Tout comme le fait d’être présent sur les réseaux sociaux et d’avoir un site ouvert sur le monde. On lance Kaporal.com, avec une version en anglais, qui permet de  livrer dans plus de 26 pays. Ce site a vu le jour ce mois-ci car l’alignement des étoiles est optimal pour la marque : la bonne collection, la bonne image, la bonne égérie, le bon positionnement.

FM : Pour les mois à venir, quels sont vos projets de développement ?

LP : Nous poursuivons l’innovation dans le denim. Whatever jeans sera en magasin à partir de septembre. C’est une gamme de produits déperlants résistants à l’eau et aux tâches avec un traitement très brut, épuré. Nous développons des produits plus mode en y ajoutant de la technologie. Toujours sur le jeans, nous sommes très heureux car nous relançons  la production française avec une ligne Made in France, appelée Jean de Nîmes. Nous sommes déjà très fiers d’être une entreprise française et avec cette gamme, nous allons être encore plus tricolore. Nous faisons appel aux ateliers Anais, à Marseille, qui auront en charge la façon de toute ligne. Dans les effectifs de Kaporal, nous avons des familles de jeaners. Ces ateliers appartiennent à l’une de ces familles, qui possède encore un savoir-faire très artisanal. Nous lançons quatre modèles femme et quatre modèles homme, des basiques, épurés, qui sortiront aussi en septembre-octobre.

FM : Que cela représente-t-il pour vous ?

LP : Ce sont des petites productions. Nous sommes partenaires de la Maison des Métiers de la Mode en Méditerranée et de l’IFM. Nous partageons cet intérêt et cette envie d’essayer de relocaliser une partie de la production. Il faut recréer un tissu industriel français dans la confection, que ce soit dans la production de la toile, la façon, mais aussi la réalisation des étiquettes et des finitions. Nous allons y aller step by step. Je pense que c’est un créneau important, notamment pour l’international. Cela donne du sens à notre positionnement de French Denim Maker. La marque est française, le collectioning est français, les équipes de style sont françaises… Si l’on peut ajouter à cela, une partie de la fabrication dans le sud de la France, ce sera une victoire pour nous.

FM : Sur ce parti pris d’ajout de technicité, de faire de la production française, quelle est la vision à moyen terme ?

LP : Je revendique la place de numéro 1 du jean français. Et ce sont des piliers pour le développement de la marque à l’international. Il faut qu’il y ait du contenu pour défendre une marque. Vous avez des collections, du style, mais l’innovation, que ce soit en communication, dans les produits, dans la façon de travailler, cela ancre une marque et constitue un support pour son développement.

FM : Et cela change votre positionnement prix ?

LP : Cela nous permet de monter en gamme sur ces produits. Mais nous avons toujours notre cœur de positionnement avec des jeans femmes à 79 euros, des jeans homme entre 89 et 95 euros. Evidemment, le jeans est partout, c’est un marché fabuleux à des prix très bagarrés. Il faut donc donner du poids à la marque, créer sa valeur, avec des prises de parole événementielles, des campagnes de communication, car l’atout d’une marque, c’est le prix que le consommateur est prêt à payer pour un produit de la marque par rapport à du « no name » ou une autre marque. Pour moi, c’est très important, par la communication et l’innovation, de créer cet écart et de le maintenir.

FM : Kaporal est la marque phare, mais vous avez aussi Joe Retro et récemment monté une opération avec Kulte. Avez-vous la volonté de créer un groupe ?

LP : Non, ce n’est pas la stratégie. Kulte, c’est vraiment une belle histoire marseillaise et nous avons construit un partenariat. Il y aura une deuxième saison en tant que marque invitée. Pour l’instant, il n’est pas question de plus. Mais les capsules font partie de la stratégie de développement de Kaporal. Cela crée du buzz, de la nouveauté et de l’actualisation. Joe Retro, c’est totalement différent. C’est une pépite que l’on ravive. La marque existait déjà, son retour est très bien accueilli. On lance d’ailleurs Joeretro.com avec la volonté d’en faire une marque très présente sur le digital. Mais la marque ne sera jamais vendue chez Kaporal. On ne l’a pas du tout pensée en se disant « on veut être un groupe ».

FM : Donc pas de projet de racheter d’autres marques ?

LP : On reste ouvert, opportuniste et à l’écoute. Mais on ne se dit pas que, pour croître, il faut absolument racheter, nous privilégions la croissance interne. Nous avons beaucoup de travail sur Kaporal et le monde entier nous est ouvert.

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