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Frédéric Biousse, Emmanuel Pradère (Experienced Capital) : "Réaliser encore deux ou trois investissements"

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20.10.2017

Créée en février 2016 par Elie Kouby, Frédéric Biousse et Emmanuel Pradère, la société d’investissements Experienced Capital, qui a levé 78 millions d’euros, s’est montrée d’emblée très active. Aujourd’hui présente au capital de sept marques (Le Slip Français, Balibaris, Figaret, Jimmy Fairly, Soeur, Maison Standards et Sessùn), elle examine encore de nouveaux dossiers.  Après avoir détaillé, dans une première partie de l’interview parue ce jeudi 19 octobre, leur vision du marché qui les intéresse, à savoir le luxe abordable, les cofondateurs livrent cette fois à FashionNetwork Premium leur conception du rôle d’investisseur et la manière dont ils l’exercent.


L'équipe du fonds autour de ses fondateurs, Frédéric Biousse, Emmanuel Pradère et Elie Kouby - Experienced Capital

 
FashionNetwork.com : Pouvez-vous nous parler du fonctionnement concret d’Experienced Capital ?

Frédéric Biousse :
Nous avons créé une petite famille de quatorze personnes, parce que notre histoire nous a enseigné qu’on ne peut pas réussir seul. Ce que nous proposons aux entrepreneurs, outre notre investissement bien sûr, c’est une palette d’experts, chacun sur un métier, qui leur apportent des solutions. Et ce ne sont pas des consultants qui ont été virés et qui cachetonnent pour faire quelque chose. Ce sont des gens qui travaillaient quand ils nous ont rejoint et qui aujourd’hui sont toujours à la fois dans le concret et dans la recherche permanente des dernières innovations, des spécialistes du retail, du digital, de la production, des plans de collection, des budgets, du développement… Grâce à notre légitimité, la confiance est déjà établie. Entre avril 2016 et septembre 2017, nous avons signé 113 magasins retail. Cette expérience de l’équipe permet d’aller dix fois plus vite.

Emmanuel Pradère : Pour nous, investisseurs, c’est un grand confort ce fonctionnement avec les experts. Parce que nous mettons de l’argent dans ces sociétés pour qu’elles se développent. Mais comme elles se focalisent sur les cibles que nous leur avons présentées, nous sommes sûrs qu’elles ne vont pas mal l’utiliser.
 
FNW : Vous êtes donc très actifs auprès de l’entreprise, par rapport aux investisseurs classiques ?

EP :
Il n’y a pas d’investisseur sur le marché qui soit aussi complet que nous en termes de support métier. Il y en a qui se présentent comme ayant des experts, mais ce ne sont pas des salariés à 100% qui sont impliqués dans le fonds.

FB : Mais attention, il faut savoir que nous ne gérons pas les marques, sauf Figaret chez qui nous sommes majoritaires. Sinon nous sommes minoritaires partout. Nos trois conditions pour investir sont : un super produit identifiable; une "proof of concept", à savoir un point de vente retail qui fonctionne et serve de référence pour mesurer la rentabilité et la possibilité de le répliquer; et troisième chose, un manager droit dans ses bottes, avec de l’ambition. Le plus grand risque dans ce métier, c’est l’ego du fondateur ou de la fondatrice. A partir de là, on lui fournit une boîte à outils, mais c’est lui qui a le pouvoir. On a des accords avec les créateurs d'entreprise, sur leur seuil d’autonomie. En dessous de celui-ci, ils font ce qu’ils veulent. Nous-mêmes, nous avons été à leur place, nous avons parfois eu des investisseurs qui nous ont étouffés… Un bon manager doit être libre. Et exemplaire.
 
FNW : C’est-à-dire, qu'entendez-vous par "manager exemplaire" ?

FB :
L’exemplarité du fondateur, c’est capital. SI vous êtes quelqu’un de bien, que vous bossez, que vous êtes sympa avec votre personnel, que vous le mettez en valeur, derrière ils vous suivront jusqu’au bout du monde. C’est la première chose que nous expliquons à ceux qui nous rejoignent. Comment prendre soin de son staff, et aller très vite. Aujourd’hui vous avez en France un vivier de jeunes entrepreneurs extraordinaires. Moi je n’ai jamais vu ça ! Tous les jeunes ont envie de créer leur boîte. Nous voulons les accompagner, pour éviter les erreurs de jeunesse et aller plus vite.

EP : Finalement, nous sommes une sorte de comité de direction. Chacun de nos experts sur son métier va former son alter-ego dans l’entreprise dans laquelle nous investissons, selon les étapes de développement définies. L’idée, c’est que le jour où nous partirons, nous laisserons une société qui est bien calée sur ses axes stratégiques, mais qui a également grandi en termes de management. Le fondateur ne sera plus tout seul, il aura avec lui une équipe de direction complète à laquelle nous aurons transmis notre savoir-faire. Ils seront autonomes. Evidemment, chez Experienced Capital, il y a le côté financier, mais il y aussi cette notion de transmission auprès de sociétés françaises, dans une volonté que je qualifierai de presque citoyenne.
 
FNW : Donc vous ne vous positionnez que sur des investissements français ?

FB :
Non pas forcément, mais il y a une légitimité et une facilité à le faire. Nous, ce que nous voulons, c’est être l’expert européen du luxe abordable. Cela se traduit par des investissements dans de superbes marques que nous faisons grandir, mais c’est également devenir un interlocuteur pour les grands fonds d’investissement ou les groupes de luxe abordable qui se posent des questions et cherchent des réponses. Nous enseignons aujourd’hui dans les grandes écoles, les fédérations, on intervient également au ministère de l’Industrie, auprès de fonds, d’agences de cotations… De plus en plus, au-delà même de nous demander notre avis, nous sommes contactés par les plus grands fonds européens qui nous demandent si on voudrait investir à leurs côtés sur des deals beaucoup plus gros.

FNW : Et vous avez vocation à franchir ce pas ?

FB :
Typiquement, on nous a proposé d’investir dans la marque Isabel Marant, mais ce n'était pas possible à l’époque car nous avions signé un accord avec SMCP (Sandro-Maje-Claudie Pierlot) qui nous l’interdisait. Aujourd’hui, nous en avons le droit, et nous aurions été très heureux de pouvoir le faire !
 
FNW : Aujourd’hui, où en êtes-vous dans vos objectifs d’investissements ?

EP :
Aujourd’hui, nous avons sept marques. Des entreprises qui réalisent entre 1 et 3 millions de chiffre d’affaires au départ, en général, qui font ensuite entre 7 et 8 millions en 2016, elles seront cette année autour des 15 millions, avec l’objectif des 20 millions pour 2018. Sauf Maison Standards, qui est plus petite, et Sessun et Figaret qui sont un peu plus grosses, déjà au-dessus des 20 millions d’euros. Mais ce rythme, c’est la croissance rapide et saine que nous souhaitons, puisque ce sont des marques qui sont toutes rentables, et qui se structurent bien en interne et développent leur parc. Avec, qui plus est, une grande dimension digitale, encore plus importante que ce que nous avions imaginé au départ. Nous sommes déjà au-delà de ce que nous avions envisagé, avant même d’avoir vraiment développé la stratégie digitale avec eux.
 
FNW : Combien comptez-vous faire de nouveaux investissements ? Un nouveau tour de table est-il à venir ?

FB :
Nous pourrions en réaliser encore deux ou trois. L’idée est déjà de mener ces marques-là à une taille critique qui les rendent solides. Ensuite, pourquoi pas un deuxième véhicule d’investissement à côté…

EP : Mais probablement quand nous aurons déjà réalisé une première opération de sortie, pour montrer aux investisseurs la pertinence du modèle et sa réussite. Pas pour l’instant.
 
FNW : D’ailleurs quelle est la durée prévue de vos investissements ?

FB :
Quatre à cinq ans, même si cela peut être plus souple, trois ou six ans. De toute façon, dans dix ans, le fonds sera dissout ! Mais finalement, avec le recul, nous avons toujours vendu trop tôt… Regardez, la preuve avec SMCP. J’aurais bien aimé être encore actionnaire à l’heure de l’introduction en bourse ! (rires)
 
FNW : Vous parliez de votre palette de marques, y-a-t-il des dossiers imminents ? Et que vous manque-t-il dans cette palette justement ?

EP :
Non, pas de projet vraiment imminent...

FB : Nous regardons dans le secteur de la "food" ; nous sommes beaucoup sollicités sur ce segment. Mais aussi dans les accessoires, la technologie, les cosmétiques... Pas spécialement la mode, sauf si on nous appelle. En fait, en ce moment, ce sont plutôt des très gros fonds qui nous sollicitent sur les sujets mode, pour nous joindre à de plus gros investissements. Cela pourrait être une option.
 
FNW : 2018 s’annonce donc une année forte en développement, vous la croyez soutenue par une reprise qui plus est ?

FB :
Pour nos marques, nous visons encore 110 ouvertures l’année prochaine. Cela représente entre 300 et 400 recrutements à venir, si l’on compte aussi les équipes aux sièges. Nous faisons un appel à toutes les candidatures de tous les horizons, il est difficile de recruter dans le retail actuellement. Pour ce qui est de la conjoncture, c’est difficile. La consommation reprend, mais le marché du textile en particulier est très difficile… Nous sommes entrés dans des cycles promotionnels infernaux à l’anglo-saxonne. Et la nouvelle génération consomme tellement différemment. Je ne suis pas du tout sûr que la reprise soit si forte que certains le disent. On va voir ce qui se passe. Je crois qu’il y a quand même un petit risque d’embrasement en France, notamment de la jeunesse.

EP : Ce marché textile difficile, c’est aussi une opportunité pour nous. Notamment pour acquérir des beaux emplacements à des prix qui sont désormais plus attractifs. La clientèle du luxe accessible est relativement protégée, moins sensible à la conjoncture, et si l’on regarde le marché textile, c’est plutôt le luxe accessible qui croît au détriment du "ventre mou", comme les marques de Vivarte. Nous sommes sur LE créneau en croissance, donc optimistes.
 

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