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24.03.2020
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Covid-19 : quel discours de marque adopter face à la crise ?

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24.03.2020

Les commerces physiques ont fermé leurs portes le 15 mars. Marques, enseignes et portails ont en urgence dû établir une stratégie de communication prenant en compte le confinement de leur communauté. Un exercice délicat, avec, en toile de fond, le risque de donner la sensation d’instrumentaliser le drame en cours.


Les marques de luxe, comme Saint Laurent, ont décidé de maintenir leur communication sur les réseaux sociaux - Saint Laurent


"Dimanche, nous avons coupé toute communication, sachant qu’une opération 'Petites Robes' était programmée pour la fin de journée", nous expliquait le 17 mars Karine Schrenzel, dirigeante des 3 Suisses. "Nous avons été drastique. Nous nous contentons depuis d’une communication très concrète et factuelle, pour expliquer notre réorganisation logistique et nos outils spéciaux. Car j’ai reçu quelques newsletters disant que 'c’est le moment de se faire plaisir' ou 'profitez-en'. Et, en tant que cliente, quand on lit ça dans ce contexte, on se demande vraiment ce que ça vient faire là."

Côté luxe, la plupart des grandes marques n’ont pas altéré leur communication. Dans un univers du luxe ayant toujours eu pour message le rêve d’un ailleurs, peu d’ajustements sont ainsi observables. "Nous pensons à vous, partout dans le monde et, alors que nous sommes totalement profondément conscient de la réalité à laquelle nous faisons tous face, nous voulons offrir des moments de positivité et des distractions temporaires. Dans ces tristes et difficiles circonstances, nous allons continuer de partager le rêve d’évasion de Saint Laurent. Nous traverserons tout cela ensemble", explique la marque du groupe Kering sur sa page Instagram.

Certains ont soudainement cessé toutes communications commerciales, pour ne reprendre à leur compte que les appels à la prudence lancés par l’État. D'autres encore mettent plus que jamais à profit les réseaux sociaux pour continuer à faire vivre leurs communautés. Néanmoins, la tentation mercantile chez des commerçants durement touchés dans leur activité (lire notre article dédié), n’est jamais loin.

"Comme toutes les crises, celle-ci faire ressortir le pire et le meilleur", résume Florian Silnicki, président de LaFrenchCom, cabinet spécialisé dans la communication de crise. "J’ai été choqué par le nombre de marques qui ont tenté de l’instrumentaliser. Certaines ont communiqué sur le fait que leurs produits sont idéaux pour le confinement. L’opportunisme ne crée pas le lien avec le consommateur. Surtout à une période où il faudrait valoriser les initiatives citoyennes vertueuses, comme ces entreprises textiles qui se mettent à produire des masques pour les hôpitaux. Ou des groupes comme LVMH, qui réorganisent ses équipes pour produire du gel hydro-alcoolique".


La plateforme 3 Suisses a adapté cette semaine sa communication après une semaine de confinement - 3 Suisses



Le pôle de compétitivité Cosmetic Valley, L’Oréal, Hermès La Roche-Posay, Garnier, Liérac, LVMH… Nombre de sociétés cosmétiques ont en effet communiqué, sur fonds de pénurie de gel dans les hôpitaux, sur leur participation à l’effort de "guerre". Des initiatives qui, là encore, n’éliminent jamais totalement le soupçon d’opportunisme. Les photos de l’imposant logo LVMH apposé sur les flacons produits pour les soignants n’ont ainsi pas manqué d’être relayées et critiquées sur les réseaux sociaux. Lointain échos de la polémique ayant visé le groupe concernant le fonds de reconstruction de Notre Dame de Paris.

Trouver le propos et le ton juste



"Tout ce qui est transactionnel, promotions, il faut oublier !", pour Yann Rivoallan, cofondateur de The Other Store, qui accompagne une quarantaine de marques mode et beauté dans leur stratégie. "Ce que nous conseillons aux marques, c’est d’adopter les valeurs de la solidarité et de l’entraide, de rentrer dans le quotidien des gens, et les inciter à créer eux-mêmes du partage. Tout cela permet à une marque de garder un pied dans la réalité et de faire vivre sa communauté sans chercher à vendre. Sur les marques que nous accompagnons, nous voyons que ceux recevant cette semaine le plus de connexion sont ceux ayant une communauté animée."


Zadig&Volaire



Une approche qui est notamment celle prise par Jonak, qui a cessé toute activité de ventes physiques, mais également en ligne. Mais qui poursuit les échanges avec sa communauté via les "rendez-vous du bonheur". Le compte Instagram de la marque entend ainsi offrir des ateliers proposés par des expertes, allant du yoga à la cuisine, afin d’animer le confinement de ses clientes. Chez d’autres, c’est la mise en avant des produits qui se teinte de références à l’impossibilité de sortir. La Redoute met ainsi en avant sur les réseaux sociaux un ensemble Nike pour les "séances de sport à domicile", ou un tee-shirt Elise Chalmin en coton bio pour "redonner du baume au cœur, dans ce contexte un peu compliqué". Zadig & Voltaire choisit de son côté d’agrémenter ses stories des "#StaySafe" et "Happy at home".

La marque cosmétique pour homme Horace annoncera de son côté samedi à ses clients que 10 % de ses ventes seront reversés à la Fondation des Hôpitaux de Paris. "Nous nous sommes demandés comment renforcer la proximité avec la communauté, qui est chez nous très impliquée, et par exemple consultée dans la mise au point des produits", explique à FashionNetwork.com le cofondateur Marc Briant Terlet. "On a fait un sondage en leur demandant de quoi ils voulaient qu'on leur parle en cette période de confinement, s'ils souhaitaient des contenus spécifiques, et la réponse a étonnamment été : 'faites comme d'habitude'. On va donc continuer à donner beaucoup de conseils sur la routine de soins par exemple".


La marque suisse Snowleader occupe le confinement via un #ReblochonChallenge - Snowleader


Le secteur où une communication en temps de confinement est la plus contre-intuitive est sans nul doute l’outdoor : dans un secteur communiquant sur les grandes espaces à parcourir, les ajustements n’en deviennent que plus délicats. C’est ainsi que la marque suédoise Haglöfs a dû en catastrophe modifier sa campagne précédemment lancée. Les visuels printaniers ont laissé place à un simple message blanc sur fond bleu, incitant les consommateurs à rester chez eux et à suivre les directives des autorités. The North Face publie de son côté la vidéo de son ambassadeur Victor de Le Rue descendant en rappel la façade de sa maison pour passer le temps. Snowleader crée de son côté son #ReblochonChallenge. Habituée à offrir du fromage savoyard à ses clients en ligne, la griffe va lancer chaque jour un défi gastronomique, avec notamment un bon d’achat à la clef.

Des pure-players pragmatiques



Du côté des grandes plateformes en ligne réunissant les produits de nombreuses marques, l’enjeu du discours est différent. Spartoo n’a ainsi pas modifié son approche commerciale depuis le début de la crise. "Nous continuons les investissements marketing", nous explique son PDG Boris Saragaglia. "Nous réalisons des investissements au rendement, que nous adaptons de semaines en semaines. L’un des rôles de l’équipe qui continue son travail est de s’assurer que ces investissements sont toujours là, afin d’assurer nos revenus". Même approche pragmatique du côté de la filiale française du géant nippon Rakuten. "Nous n’avons pas particulièrement adapté le marketing", nous explique le CEO, Fabien Versavau. "Nous avons en revanche multiplié les messages d’informations, à tous les points de contact, afin d’expliquer les modalités particulières mises en places pour rester dans l’accompagnement des vendeurs et des clients. Et nous avons mis en place la gratuité pour les commerces physiques qui voudraient poursuivre leur activité à travers nous".


La plupart des portails ont multiplié les encadrés d'informations liées à la crise - ShowroomPrivé



Chez Veepee, pas non plus d’adaptation particulière du message. "Je n’ai de toute manière jamais été adepte du marketing de la demande", nous confie le PDG Jacques-Antoine Granjon. "Nous avons toujours eu une approche décomplexée de la consommation, car nous sommes en bout de chaîne avec les invendus des marques. On participe au financement des acteurs de la mode notamment, tout en donnant accès à nos membres à de grandes marques. Et on le fait en mettant une certaine poésie dans l’acte commercial et des innovations technologiques pour rendre l'expérience utilisateur la plus agréable possible. Notre marketing repose sur l’offre et sa pertinence au sein d’un univers créatif dédié à l’image des marques."

Le spectre du badbuzz, le risque du boycott



Reste que, même si les produits continuent de circuler via des portails généralistes, les marques conservent une voix propre, qu’il convient parfois de taire plutôt que de prendre des risques sur sa portée. "En ce moment, essayer de vendre peut causer du dommage à la marque", résume ainsi Yann Rivoallan. "D’autant qu’il y a beaucoup d’incertitudes. Est-ce que mon colis va arriver ? Et s’il arrive, comment cela se passe si je dois le retourner sous 15 jours, alors que je suis confiné ? Mais ce qu’on peut retenir aussi c’est que cette crise achève d’installer chez les marques les pratiques des DNVB, avec cette fluidité dans la communication, livraison, retours… Toutes les marques ont désormais embrassé ces principes. Mais celles qui vont s’en sortir, au vu de la situation actuelle, ce sont celles qui vont accompagner leur communauté."


L'ambassadeur de The North Face Victor de le Rue, confiné chez lui, s'apprêtant à descendre en rappel la façade de son pavillon, dans une vidéo publiée sur la page Facebook de la marque - The North Face


Reste que déjà quelques polémiques se sont invitées dans la gestion de crise de certains acteurs du commerce. Amazon et La Redoute ont ainsi connu des débrayages de salariés maintenus à leurs postes. Un sujet délicat, pour Florian Silnicki. "Les entreprises ont tout intérêt à choisir l’entière transparence, pour ne pas donner l’impression de penser d’abord au profit", explique le responsable de la gestion de crise. "L’empathie est essentielle, on ne peut aborder ces sujets de façon désincarnée. Surtout, il ne faut pas que les entreprises concernées pensent que l’extériorisation de l’inquiétude de certains salariés est un problème, elles doivent le prendre comme l’occasion de montrer leur compréhension et la prise en compte des inquiétudes, dans un contexte où demeurent de nombreuses incertitudes. C’est d’autant plus important que l’on sait à quel point le consommateur final peut désormais facilement se mobiliser, écorner l’image de la marque, voire lancer des boycotts. Pour éviter qu’il n’abîme durablement la marque, il est primordial de prendre en compte son engagement citoyen et de lui expliquer qui vous êtes et ce que vous faites".

Qu’il s’agisse de gestion de polémique ou de maintien du lien avec le consommateur, reste un facteur inconnu : le temps. Alors que le confinement pourrait se prolonger sur plusieurs semaines, se posera bien assez tôt la question du renouvellement des discours et propositions faites aux consommateurs. Les professionnels interrogés se montrent d’ores-et-déjà particulièrement partagés quant à l’éventuel retour, chez les Français, de l’envie de consommer.

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