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Bangladesh : les marques poussent les usines textiles à braver le confinement

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27.04.2020

En plein septième anniversaire du drame du Rana Plazza, des centaines d'ateliers textiles ont rouvert au Bangladesh, en violation du confinement en vigueur dans ce pays. Au risque d'une propagation du coronavirus parmi la main-d'œuvre du deuxième plus gros fabricant mondial d'habillement après la Chine, a-t-on appris dimanche de sources concordantes.


Des travailleuses du textile à Dacca le 15 avril 2020. - AFP/Archives


Forcées de fermer leurs boutiques à travers le monde pour respecter les mesures de confinement, les grandes marques de prêt-à-porter ont annulé pour au moins 3,1 milliards de dollars de commandes passées dans ce pays d'Asie du Sud, selon l'Association des fabricants et exportateurs de vêtements du Bangladesh, la BGMEA (relire notre dossier "Covid-19 : les autres usines du monde bientôt à l'arrêt ?").

"J'ai émis une recommandation claire de notre association pour une fermeture (des sites, ndlr) suite à l'annonce du confinement par le gouvernement", indiquait sa présidente Rubana Huq mi-mars à FashionNetwork.com "Mais il y a des usines qui fabriquent des équipements de protection individuelle et d'autres produits essentiels, à qui leurs acheteurs ont demandé de respecter strictement les délais sous peine d'annulation, et qui sont libres de continuer à fonctionner. En tant qu'association, nous ne pouvons que recommander et nous l'avons fait en conséquence", déplorait cependant la dirigeante. 

Les manufactures ont donc cessé leur activité fin mars à la suite du confinement imposé aux 168 millions de Bangladais. Mais certains fabricants disent désormais subir des pressions pour honorer des commandes d'exportations dans les délais prévus. Sous peine de perdre des clients au profit de leurs concurrents vietnamiens ou chinois.

"Si nous n'ouvrons pas, il y aura une crise économique"



"Nous devons accepter le coronavirus comme une réalité de la vie. Si nous n'ouvrons pas nos usines, il y aura une crise économique", a déclaré à l'AFP le vice-président de l'Association des fabricants et exportateurs de textile du Bangladesh, Mohammad Hatem. Lui-même dit avoir rouvert partiellement une usine qui travaille notamment pour la marque britannique Primark.


BGMEA



A Ashulia, centre industriel en périphérie de la capitale Dacca, où sont implantées près de 600 usines, quelque 200 000 ouvriers du secteur ont repris le travail ce week-end, a affirmé à l'AFP une porte-parole de la police, Jane Alam. Les vêtements représentent 80 % des exportations nationales et fournissent des emplois à plus de quatre millions de personnes, principalement des femmes de villages pauvres des zones rurales.

Quelles mesures de sécurité ?



Des dirigeants syndicaux ont mis en garde contre une explosion du nombre de contaminations au Covid-19 en cas de reprise massive du travail. Le pays compte officiellement 145 morts pour quelque 5 500 cas, mais peu de tests ont été effectués et les experts considèrent ces données comme probablement très inférieures à la réalité.

Pris de court par la réouverture de certaines usines, la BGMEA a partagé le vendredi 24 avril une série de recommandations destinées aux entreprises décidant de braver le confinement. Des documents en bengali que FashionNetwork.com a pu consulter. Il est notamment demandé aux sociétés de ne faire appel qu'aux employés vivant à proximité afin d'éviter les risques liés aux transports en bus. Il est par ailleurs demandé de ne pas constituer de grosses équipes sur les lignes de production afin de garder un espacement de 6 pieds (1,8 mètre) entre chaque personne. Machines, portes, interrupteurs, tables de réfectoire et autres éléments fréquemment utilisés doivent être régulièrement nettoyés, de même que les toilettes après chaque utilisation.

Hypocrisie des donneurs d'ordres



Aujourd'hui, à l'heure où certains professionnels voient dans la crise actuelle l'occasion d'accélérer l'émergence d'une mode responsable, le cas du Bangladesh offre un premier contre-exemple. Tandis qu'elles appellent leurs clients à rester en sécurité chez eux, certaines marques occidentales poussent donc des ouvriers à retourner dans les usines malgré les risques. Aider en cela par la concurrence des pays voisins, mais également par la jeunesse et la pauvreté des 4,5 millions de salariés de cette industrie, dépendants de leurs revenus.


Shutterstock



Le décalage entre les valeurs affichées par les donneurs d'ordres et la réalité des transactions, l'industrie bangladaise la connaît bien. Le 24 avril 2013, l'effondrement de l'usine textile du Rana Plaza à Dacca faisait plus de 1 100 morts. Face à l'émotion internationale, les grandes marques produisant sur place ont fait pression sur les industriels locaux pour renforcer la sécurité et augmenter les salaires dans les usines. Mais, loin des micros, les acheteurs de ces marques continuaient de faire pression sur les prix, rapportaient à l'époque des industriels.

Est-ce que la situation s'est améliorée depuis ? "Non, c'est devenu pire !", nous confiait Rubana Huq en février dernier (relire notre inteview). "Depuis quatre ans, nous avons vu baisser nos prix de 3,64 % à destination de l'Europe et de 7 % vers les Etats-Unis. Donc c'est une grosse perte de valeur. La baisse est constante face à nos clients. Et le pire est que beaucoup d'exigences RSE qu'ils imposent ne sont pas déraisonnables, mais énormément coûteuses. La pression est forte, mais s'il y avait une prise de responsabilité mondiale de la filière, cela aiderait toute l'industrie de la mode."

Le Bangladesh est le deuxième fournisseur d’habillement de l'Union européenne derrière la Chine, avec 17,6 milliards d’euros de marchandises en 2019, selon l’Institut français de la mode. Le pays s'est notamment spécialisé dans les produits en coton, destinés aux marchés américain et européen. Une dépendance que l'industrie locale entend réduire en développant sa production de produits en matériaux techniques, ciblant notamment les marchés de l'athleisure et de la lingerie.

(avec AFP)

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