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Clémentine Martin
Veröffentlicht am
10.03.2020
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Baisse d'activité : les marques de luxe réduisent leurs commandes aux fournisseurs italiens

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Reuters API
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Clémentine Martin
Veröffentlicht am
10.03.2020

Gucci et Louis Vuitton font partie des nombreuses marques de luxe internationales qui revoient leurs commandes d’approvisionnement à la baisse auprès de leurs fournisseurs italiens. L’épidémie de coronavirus a commencé par toucher durement le marché chinois, crucial pour le luxe. Aujourd’hui, c’est au tour d’un haut lieu de la manufacture d’être gravement affecté : l’Italie. L’activité du secteur tout entier est mise à mal.


Reuters



L’Italie compte de nombreuses entreprises spécialisées dans la fabrication d’articles haut de gamme comme les chaussures, la maroquinerie ou la mode masculine. Hors de Chine, le pays européen est pour l’instant celui qui pâtit le plus durement de l’épidémie de coronavirus. Rome a d’ailleurs pris il y a déjà quelques jours des mesures isolant pratiquement toute la riche région du Nord.

Reuters a pu s’entretenir avec une douzaine de fournisseurs de textile et de maroquinerie de la région du Veneto, l’une des plus affectées par la quarantaine. Dans cette zone frontalière de la Toscane, de nombreux entrepreneurs affirment subir des baisses de commandes depuis fin janvier, avant même la mise en place des mesures drastiques de ces derniers jours. En cause : l’effondrement de la demande en Chine.

« Nous produisions entre 800 et 1 000 sacs à main par mois pour Gucci. En février, nous n’en avons faits que 450 et notre carnet de commandes est vide pour mars », soupire le propriétaire d’un petit atelier. Fournisseur régulier de la principale marque de Kering, il emploie huit personnes à Scandicci, une commune voisine de Florence qui concentre une bonne partie de la production maroquinière italienne.

« Nous n’avons pas non plus de commandes pour avril et mai. L’entreprise est en stand-by et nous sommes obligés de mettre nos travailleurs au chômage partiel », regrette-t-il. Comme la plupart des fournisseurs interviewés par Reuters, il refuse d’être nommé de peur de perdre de futurs contrats.

Le secteur du luxe pèse 280 milliards d’euros dans l’économie mondiale, et souffre déjà depuis des mois des manifestations à Hong Kong. Mais l’épidémie de coronavirus en Chine continentale lui a porté un coup fatal.

Le pays représente plus d’un tiers des acheteurs de luxe au monde. Pendant que les autorités luttaient pour enrayer la propagation du virus, les marques ont été forcées de fermer boutique, de reporter les nouvelles ouvertures et de suspendre leurs dépenses publicitaires.

La généralisation de l’épidémie dans le monde entier, et notamment en Italie, a achevé de noircir le tableau. Plusieurs pays, dont le Royaume-Uni et les États-Unis, conseillent déjà d’éviter les voyages dans le pays transalpin, avec des conséquences directes sur le secteur du tourisme.

La mode et le textile génèrent habituellement 90 milliards d’euros de revenus par an en Italie. Cette année, la chute des ventes pourrait être spectaculaire.

Le défi de l’approvisionnement



La situation impacte aussi largement le secteur mondial du luxe, car l’Italie fait partie des principaux fournisseurs. Flavio Cereda, spécialiste du luxe chez Jefferies, a revu lundi à la baisse ses prévisions de ventes pour le secteur pour la deuxième fois de l’année. Il table maintenant une baisse des ventes de 3 % hors effets de change. Ses dernières prévisions misaient sur une croissance de 1 %. « Les perturbations prolongées de l’activité économique pourraient bien avoir des conséquences sur les chaînes d’approvisionnement de la plupart des marques », pointe-t-il. Il note cependant que pour l’instant, les effets ne sont pas encore visibles.

La Toscane n’est pas la région la plus durement touchée, mais la petite ville de Scandicci accuse déjà les conséquences de l’épidémie. Elle était jusqu’à maintenant en pleine expansion grâce au récent développement de sites de production de géants du luxe comme LVMH, Kering et Prada, qui y rachètent aussi des ateliers.

La famille de Massimiliano Guerrini possède l’entreprise Almax, un producteur de Scandicci qui fabrique des sacs pour dix marques dont Saint Laurent, Gucci et Balenciaga (Kering) ainsi que certaines griffes de LVMH. L’homme affirme avoir vu ses commandes baisser de « quelques points de pourcentage » en raison de la crise sanitaire liée au coronavirus en Chine. « Je pensais que les choses n’allaient pas si mal étant donné les circonstances, mais maintenant que l’Italie est en alerte, l’épidémie pourrait frapper bien plus cruellement les entreprises que les personnes. Toute la chaîne d’approvisionnement pourrait être perturbée pour les commandes qui ne sont pas encore honorées », s’inquiète-t-il.

« Nous avons 270 employés et nous avons diversifié nos clients, donc nous avons réussi à limiter l’impact pour le moment. Mais certains ateliers plus petits ne vont pas faire long feu. » Un fabricant de maroquinerie et sacs à main du Veneto, par exemple, rapporte une baisse de 30 % de ses commandes de la part de Louis Vuitton (LVMH). Selon d’autres petites entreprises, Prada et Ferragamo réduisent aussi la voilure.

Ferragamo publie ses résultats 2019 ce mardi et a donc refusé de commenter. Prada n’a pas non plus souhaité s’exprimer : la marque présente quant à elle ses résultats le 18 mars. Kering et LVMH n’ont pas fait de commentaires.

L’année entière mise en danger



Claudio Marenzi, le responsable du département mode du lobby Confindustria, affirme que les acheteurs étrangers de textiles italiens ont commencé à annuler leurs commandes dès fin février et que certains outlets grand public ont déjà vu leurs ventes baisser de moitié. « Dès le début de l’épidémie en Chine, nous avons su qu’il y aurait un ralentissement au premier trimestre. Mais maintenant, c’est l’année entière qui risque de partir en fumée pour nous », sentence-t-il avec amertume.

Une source connaissant la situation révèle que Ferragamo a demandé à ses employés de prendre leurs vendredis pendant huit semaines, mais aussi gelé les embauches et le renouvellement des contrats à durée déterminée.

Après avoir défilé à huis clos à la Fashion Week de Milan, Giorgio Armani a fermé ses usines du Nord de l’Italie pendant une semaine fin février. Une porte-parole a déclaré lundi qu’elles avaient réouvert la première semaine de mars, mais que la plupart des employés travaillaient de chez eux.

Luca Bortolotto est le directeur de l’habillement et des accessoires de l’association d’artisans et PME Confartigionato à Vicenza, l’une des principales villes du Veneto. Il envisage de recruter une personne pour la garde d’enfants afin d’aider les travailleurs de son entreprise de maroquinerie, car les écoles sont fermées dans tout le pays.

« Comme si ce n’était pas suffisant, nous vivons dans la peur permanente de voir un de nos employés tomber malade, ce qui reviendrait à devoir mettre tout le monde en quarantaine et à paralyser l’entreprise », fulmine-t-il.

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